Ils sont toujours des centaines, des milliers aux concerts de Trois
cafés gourmands.
Des fidèles, des curieux, des convertis,
disponibles à marcher dans les refrains et les valeurs saines. Et
tout est là, dans cette histoire que raconte ce groupe et le public,
dans ce rapport complice qui continue de jouer les prolongations.
Ceux qui avaient projeté que le trio ne ferait qu’une apparition
éphémère, qu’il ne serait l’auteur d’un unique braquage
parfait (le tube A nos souvenirs, culminant aujourd’hui à
243 millions de vues sur YouTube et impulsant un album certifié
triple disque de platine) peuvent donc réviser leur copie.
Sorti
dans un contexte défavorable en octobre 2020 - un autre confinement
- le deuxième album Comme des enfants a presque atteint la
barre des cent mille exemplaires et derrière lui une tournée de
cinquante dates au remplissage heureux.
Trois
cafés gourmands a peut-être « la Corrèze en cathéter »
mais aussi de belles ambitions.
Une collaboration avec la
personnalité préférée des Français : difficile de trouver
plus prestigieux pour amorcer ce nouveau chapitre discographique.
Jean-Jacques Goldman à la co-écriture et à la composition de
Quand ? a des allures d’événement si on réfère à
la rareté des offrandes distillées par l’un des tauliers du
paysage musical hexagonal ces dernières années (hormis pour Céline
Dion et son ami Patrick Fiori).
Inutile d’aller gratter pour
connaître le contenu des conversations entre lui et les membres du
groupe. Mylène Madrias, Sébastien Gourseyrol et Jérémy Pauly ne
révéleront rien de ces échanges privés, intimes et précieux.
Juste savoir qu'une correspondance virtuelle a été entamée à la
fin 2019, informelle et bienveillante.
Qu'est-ce qui a fait pencher
la balance pour que Jean-Jacques Goldman sorte de sa réserve ?
Au-delà de son indéniable talent, il a construit sa carrière
autour de la simplicité, l'humilité, la modestie. Des valeurs
propres à Trois cafés gourmands. Peut-être y voir aussi un
attachement à une configuration similaire à celle de Fredericks
Goldman Jones, en l'occurrence une femme et deux hommes.
Evidemment
qu’on retrouve sur ce titre la patte Goldman, la clarté de ses
harmonies, la force fédératrice si fidèle également au groupe. «
Actes manqués, inassumés, en mesure-t-on les conséquences ?
/ Oui mais quand ? Reste-t-il du temps ? /Doit-on
attendre la science ? /Ou bien miser sur la chance ?
/ Ne plus jamais demander quand ?... ». Une
chanson de constat et consciente, de sursaut et d'éveil, humaine et
humaniste. Sans injonction moralisatrice. Le même Goldman qui
souffle juste à l’oreille de Sébastien « écouter le silence
des gens qui ne disent rien », phrase clé de Ceux qui
ne disent rien, titre à la fois mordant et lucide qui prend à
revers et à la manière d’un Brassens les haters sévissant
masqués sur les réseaux sociaux.
Enregistré
avec des musiciens de prestige dans les studios Baboo Music et
Ephémère (là où Francis Cabrel a conçu ses quatre derniers
disques) à Astaffort, ce troisième album s’appelle La
promesse. Il porte parfaitement son nom. Promesse d’explorer de
nouvelles thématiques sans altérer la dynamique élémentaire.
Promesse d’un foisonnement qui joue avec les idiomes de la chanson
et les axiomes de la pop. Promesse d’une générosité infaillible
et d’une énergie inhérente à une honnêteté permanente.
Ce
disque, c’est aussi une célébration des premières fois. Première
fois que les trois forces vives prennent la plume, une tâche
jusqu’alors remplie par Sébastien. Première fois que chacun
d’entre eux s’empare d’un morceau en voix solo. Première fois
que le groupe aborde de façon aussi frontale et directe les élans
du cœur (Amoureux). Première fois qu’il se met dans la
peau d’un personnage fictif (Saint-Patron, sur la puissance
du message délivrée par une œuvre d’art ou un dessin).
Des
bribes d’intimité mêlées à une extension du propos, des
instantanés pris sur le vif, des portes d’entrées multiples aux
chansons (Avec nous, morceau qui risque de joliment embarquer
le public en concert). Jamais enfermé dans la redite, Trois cafés
gourmands invite à larguer les amarres (Le pari), convoque la
nostalgie scolaire et buissonnière (Les mots volent, fin d’un
triptyque dans lequel figuraient Les mots sombres et Les
mots tristes sur les deux albums précédents), contrebalance par
le rythme de la valse le sujet lourd des agressions sexuelles (La
balle au prisonnier), affirme sa croyance de l’amitié envers
et contre tout (La promesse), marche dans les mots de Barcella
pour évoquer les « extraordinaires », ceux qui se distinguent
par leur différence (La vie est fragile).
Il y a encore ce
tableau, qui fait la part belle aux éléments naturels, dessiné à
la suite d’une session de travail au Cap Ferret (Les mimosas).
Certainement marqué par sa trajectoire si singulière, Trois cafés
gourmands semble aussi s’agripper telle une obsession à la
projection du futur et à la mécanique du hasard (Libre choix,
La belle histoire).
Que ces trois-là se rassurent : le
destin n’est jamais un voyou lorsqu’on a, comme eux, le goût des
autres.